En anglais on dit to smell the colour 9 (« sentir la couleur 9 ») pour exprimer quelque chose d'impossible à réaliser… Toutefois, il existe des personnes qui ont la capacité de concevoir mentalement une représentation chromatique ou spatiale des unités temporelles (ou, plus généralement, des nombres). Cette capacité, que les médecins et les psychologues nomment synesthésie (du grec syn, « avec » et aesthesis, « sensation »), se caractérise par un trouble de la perception qui fait éprouver simultanément, ou se croiser, différentes sensations, pas forcément en relation entre elles, à la sollicitation d'un seul sens. Le premier cas publié dans la littérature médicale fut rapporté en 1710 par le docteur Thomas Woolhouse (1650–1734), ophtalmologue du roi Jacques II d'Angleterre. Il s'agissait d'un jeune homme aveugle qui croyait percevoir des couleurs induites par des sons.
Il semble exister une certaine constance dans la représentation chromatique ou spatiale des nombres, ce qui laisse penser que ces perceptions ne sont pas l'invention d'esprits fertiles ou désireux d'attirer l'attention. La synesthésie nombre–forme pourrait être le résultat d'une activation croisée entre différentes régions voisines du lobe pariétal qui peuvent parfois se recouvrir et sont impliquées dans la cognition numérique et spatiale. Pour les nombres isolés, une régularité statistique fait attribuer à certains la couleur noire ou blanche soit aux chiffres 0 ou 1, soit aux chiffres 8 ou 9 ; le jaune, le rouge et le bleu sont presque toujours associés aux petits chiffres (2, 3 ou 4). Le brun, le violet et le gris sont le domaine des chiffres plus élevés (6, 7 ou 8).
Représentations récurrentes des nombres respectivement sous forme de couleurs (en haut) ou d'alignement dans l'espace (étude documentée par Sir Francis Galton).