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La relation d’inégalité usuelle dans les nombres


Daniel Lignon

Quand on connaît leur valeur, on peut toujours comparer deux nombres quelconques, qu’ils soient entiers, fractionnaires ou réels, et dire lequel est le plus petit.

 

La relation « inférieur ou égal », notée ≤ , est bien une relation d’ordre sur ces ensembles : elle vérifie les trois propriétés de base, à savoir la réflexivité (pour tout nombre x, on a x ≤ x), l’antisymétrie (pour tous les nombres x et y, si x ≤ y et y ≤ x, alors on a x = y) et la transitivité (pour tous les nombres x, y et z, si x ≤ y et y ≤ z, alors on a x ≤ z).

De plus, tous les nombres dans ces ensembles sont comparables ; autrement dit, ≤ est un ordre total.

La relation « supérieur ou égal », notée ≥ , vérifie bien sûr les mêmes propriétés.

 

Des règles à respecter

Tout ce qui suit est valable dans l’ensemble ℝ des nombres réels et, a fortiori, dans tout sous-ensemble de ℝ.

Pour l’addition, la manipulation des inégalités est simple : en ajoutant un même nombre (positif ou négatif) aux deux membres d’une inégalité, on ne change pas son sens : si x ≤ y, alors pour tout a, on a aussi x+a ≤ y+a ou x a ≤ ya. On en déduit qu’en ajoutant membre à membre deux inégalités de même sens, on forme une troisième inégalité, toujours de même sens : si x ≤ y et x’ ≤ y’, alors x + x’ ≤ y + y’. Cela exprime que la relation ≤ est compatible avec l’addition.

Par contre, cela se complique pour la multiplication : il faut faire attention au signe du nombre a par lequel on multiplie. S’il est positif ou nul, cela ne change pas le sens de l’inégalité : si x ≤ y et si a ≥ 0, alors a x ≤ a y. Par contre, s’il est négatif ou nul, cela change le sens : si x ≤ y et si a ≤ 0, alors a x ≥ ay. On montre alors facilement, en détaillant les deux cas, que tout carré est positif ou nul : pour tout x, x2 ≥ 0.

Le passage à l’inverse est, lui aussi, délicat. Si les deux nombres sont strictement positifs, passer à l’inverse modifie le sens de l’inégalité : si x > 0 et y > 0, x ≤ y entraîne  

 

 

Plus délicat : dans les nombres complexes…

Dans l’ensemble ℂ des nombres complexes, a-t-on une relation d’ordre ? La réponse est oui ! Il suffit, par exemple, de considérer l’ordre lexicographique, comme celui défini sur les points du plan (voir « En Bref : Un peu d'ordre...» ). Cet ordre, noté ici ⟨⟨, est défini de la manière suivante :

si l’on a z = x+iy et z’ = x’+iy’, alors on a z ⟨⟨ z’ dans le cas où x < x’ ou (x = x’ et y ≤ y’).

⟨⟨ est une relation d’ordre dans l’ensemble des nombres complexes. C’est même une relation d’ordre total ! De plus, sa restriction à l’ensemble des nombres réels est la relation d’ordre habituelle de ℝ, à savoir ≤ .

⟨⟨ est compatible avec l’addition des nombres complexes. Mais elle n’est pas compatible avec la multiplication des nombres complexes : par exemple, on a 1+i ⟨⟨  2+3i et, en multipliant par i, qui vérifie bien 0 ⟨⟨ i, on devrait obtenir i(1+i) ⟨⟨ i(2+3i), ce qui est faux car i(1+i) = ‒1+i et i(2+3i) = ‒3+2i. Or, ‒3+2⟨⟨ ‒1+i, et non l’inverse.

En fait, il n’existe pas dans ℂ de relation d’ordre total dont la restriction à ℝ soit la relation habituelle et qui soit compatible avec la multiplication : ℂ n’est pas un corps ordonné. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer le nombre : qu’il vérifie 0 ⟨⟨ i ou ⟨⟨ 0, son carré devrait être positif ou nul. Or, i 2 = ‒1, qui n’est pas dans ce cas.

De fait, pas d’inéquations dans ℂ !