Topologie de l'amour
E ARNAUD
Présentation
La mathématique, en particulier l'élégante topologie, peut-elle influencer toute une vie, un amour ? Comment Thomas Arville, la légende des prépas de Louis-le-Grand et de Normale sup, le successeur tout désigné de Cédric Villani, le futur lauréat de la médaille Fields, se retrouve-t-il à traîner sa peine comme prof de lycée dans une banlieue pourrie ?Après être entré à l'École normale supérieure, au lieu de suivre la voie brillante toute tracée que lui permettait son génie des mathématiques, Arville est parti faire un stage au Japon. Là il a découvert l'amour d'Ayako, qui incarne la pureté qui le fascine tant et qu'il recherche avant tout dans le raisonnement mathématique. Survient Fukushima. Impossible de laisser Ayako dont l'amour sans partage l'émeut. Il revient à Paris, mais avec elle. Il doit donc chercher au plus vite un poste qui leur permette de vivre. Il finit épuisé dans un deux-pièces du XIXe arrondissement, en butte au racisme ordinaire que subit sa femme qui ne parle pas français.
Dévoré par un quotidien harassant leur amour se défait. Sans relations sociales sa carrière scientifique avorte, tout rate. Un roman dérangeant et brillant. Une vision lucide et désabusée de ce qui fait la réussite si on a les talents et les diplômes mais qu'on néglige les réseaux et les relations sociales. Une image troublante de la modernité.
Pourquoi le lire ? Parce qu'il est soigné, brillant, élégant. Lucide et désabusé, aussi. Parce qu'il pose pour ainsi dire l'équation douloureuse talents-diplômes/succès/réseaux-relations sociales.
Note de lecture Tangente
La chute d'un dieu… des maths
Thomas Arville est un jeune homme fasciné par la pureté : des sentiments, des valeurs, des comportements. Sa première rencontre avec la pureté se fait au travers des mathématiques, puis de la topologie, qu’il étudie à l’ÉNS. C’est ainsi cette science, reflet de ses valeurs, qui guidera ses choix et ses comportements. Son talent et ses aptitudes lui permettent une vie facile de chercheur brillant, admiré, choyé, adulé même, qu’il mène à Paris et qui se poursuit au Japon à l’occasion d’un stage de recherche. Là-bas, son fantasme de pureté s’incarne dans l’amour qu’il se découvre pour Ayako, une jeune étudiante rencontrée par hasard. Mais les mathématiques ne conduisent à la puissance qu’à l’intérieur de leur propre système et l’orgueil d’avoir voulu les sortir de leur royaume provoquera la chute de l’apprenti-démiurge.
La première partie du récit insiste, avec une certaine lourdeur, sur l’élitisme et les privilèges de la vie à l’ÉNS dans un style déroutant qui risque de décevoir les amateurs du Théorème de Kropst, le précédent livre de lauteur. La chute fait l’objet de la seconde partie, qui présente, curieusement, le fait d’enseigner dans le secondaire comme une véritable déchéance. À travers le récit du cheminement de Thomas Arville et des références aux parcours de Villani, de Perelman et d’autres lauréats de la médaille Fields, le roman s’interroge sur la valeur intrinsèque d’un individu, au-delà de la réussite ou de la gloire.