Neil Sloane et l’OEIS


Éric Angelini



L’Encyclopédie en ligne des suites de nombres entiers (OEIS) fête ses 50 ans cette année !

Il y a cinquante ans paraissait le livre A Handbook of Integer Sequences (Academic Press, 1973), rédigé par le mathématicien anglo-américain Neil James Alexander Sloane (né en 1939). Sloane désirait conserver sous la main des suites de nombres intéressantes. Le succès du livre fut immédiat : l’auteur se vit proposer par courrier d’autres suites, présentes dans des domaines aussi divers que la physique et la chimie, la jonglerie, la couleur des touches du piano ou les tests de QI. Si le Handbook comportait moins de deux mille cinq cents entrées, l’Encyclopedia papier qui lui succéda en 1995 doublait largement ce chiffre. Cette édition portait aussi le nom de Simon Plouffe, un mathématicien canado-français né en 1956 qui assista Sloane dans son travail.

Les contributions et les mises à jour accélérèrent encore. Sloane dut basculer sur Internet les dix mille suites dont il disposait. Ainsi naquit, en 1996, l’OEIS telle que nous la connaissons désormais (www.oeis.org). Le succès de la version en ligne est tel que les serveurs des laboratoires Bell disjonctèrent en 2004… à la grande fierté du département de mathématiques et de statistiques, qui n’avait jamais eu autant de visites !

 

 

Source de connaissance… et de plaisir

 

À ce jour, l’OEIS comporte plus de trois cent soixante mille entrées labellisées. Sloane continue de développer et de superviser ce Léviathan, assisté d’une armada de cent soixante-dix éditeurs bénévoles. L’OEIS reçoit plus d’un million de visites par jour, « gonfle » quotidiennement d’une cinquantaine de mises à jour et d’une quarantaine de nouvelles entrées, se voit soumettre cinq cents suites inédites chaque semaine. Elle a été citée plus de dix mille fois dans des publications scientifiques du monde entier.

 

Mais au-delà d’un formidable outil de connaissance, l’OEIS, gratuit et sans inscription, est une source de plaisir ! Le moteur de recherche de sa page d’accueil est d’une simplicité enfantine. Vous tapez quelques nombres dans un grand cartouche central et la base vous dit si ces nombres figurent, l’un derrière l’autre, dans une suite déjà enregistrée. Si oui, vos nombres font partie d’une suite existante, accompagnée de formules, de liens renvoyant à des publications scientifiques, de programmes informatiques, de graphiques, d’images et même de sons.

Aujourd’hui, l’OEIS est devenue une fondation (https://oeisf.org). Neil Sloane, 83 ans, cherche trois millions de dollars pour la pérenniser, payer un directeur général, une équipe fixe de rédacteurs en chef ainsi que tous les frais d’hébergement et de maintenance informatique. Il y parviendra cette année, pense-t-il. Sa forme physique et son énergie semblent inépuisables.

 

Lors de l’interview que nous lui avons proposée par courrier électronique, nous avons demandé à Neil Sloane si l’OEIS avait changé sa vie. Il a réfléchi puis envoyé : « Not so much » [pas tant que ça]. Ainsi, l’homme qui a drainé vers les mathématiques des cordées entières d’amateurs, d’étudiants et d’universitaires enthousiastes considère l’OEIS comme un hobby, une activité en marge de son travail réel de mathématicien !