Les suites boomerangs


Éric Angelini



Parfois, pratiquer une opération sur une suite, même infinie, redonne la suite de départ !

Une suite boomerang est une suite de nombres sur lesquels on pratique une opération mathématique précise, au terme de laquelle la suite réapparaît, inchangée. En voici un exemple :

S = 10, 10, 12, 12, 14, 16, 16, 18, 18, 22, 20, 26, 22, 28, 24…

L’opération consiste à ajouter 9 au premier chiffre de S, à ajouter 10 au deuxième, 11 au troisième, 12 au quatrième… De fait, on ajoute k + 8 au kième chiffre de S, pour tout k .

Ainsi, le premier « 1 » de S devient 10 (soit 1 + (8 + 1)), le « 0 » d’après devient 10 également (soit 0 + (8 + 2)), le deuxième « 1 » de S devient 12 (soit 1 + (8 + 3)), le deuxième « 0 » de S devient 12 aussi… La suite S se reproduit à l’identique !

 

Voici un autre exemple :

T = 0, 1, 12, 24, 48, 96, 192, 384, 864, 576, 192, 1 728, 384…

L’opération consiste cette fois à multiplier chaque chiffre de T par le nombre auquel ce chiffre appartient. Le « 0 » initial et le « 1 » qui suit, multipliés par eux-mêmes, restent inchangés. Le « 1 » de 12, multiplié par 12, donne 12. Le « 2 » de 12, multiplié par 12, produit 24. Le « 2 » de 24, multiplié par 24, conduit à 48. Le « 4 » de 24, multiplié par 24, aboutit à 96… Les résultats successifs de toutes les multiplications reforment T.

 

Un troisième exemple nous est donné par la suite U :

U = 0, 1, 4 096, 0, 531 441, 46 656, 0, 15 625, 729, 1, 4 096, 4 096, 1…

L’opération consiste à remplacer chaque chiffre de U par sa puissance sixième.

Le « 0 » initial et le « 1 » qui suit, élevés à la puissance 6, restent identiques. Le « 4 » de 4 096, élevé à la puissance 6, donne précisément 4096. Le « 0 » de 4 096 conduit à 0. Le « 9 » de 4096, élevé à la puissance 6, produit 531 441. Le « 6 » de 4 096, élevé à la puissance 6, fournit 46 656…

On entrevoit les « techniques boomerangs » mises en œuvre jusqu’ici ; remplacer ci-après chaque chiffre par sa puissance 8 conduit à une nouvelle suite boomerang : 0, 1, 256…

 

 

Avec des nombres distincts

 

Un quatrième exemple, plus exotique, où l’on s’oblige à ne faire figurer que des nombres distincts dans la suite, est fourni avec la suite V :

V = 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 101, 111, 202, 121, 131, 141, 151, 22…

L’opération consiste ici à remplacer chaque chiffre de V par le plus petit palindrome numérique (un nombre qui se lit de droite à gauche aussi bien que de gauche à droite, comme 1 734 371) non encore employé, ce palindrome devant contenir le chiffre en question.

Les dix premiers termes de V restent inchangés (ils sont remplacés par eux-mêmes). Le premier « 1 » qui suit 9 appartient à 11 ; il sera remplacé par 11 (le plus petit palindrome non utilisé qui contient le chiffre « 1 »). Le deuxième « 1 » qui suit 9 sera remplacé par 101 (le plus petit palindrome disponible qui contient le chiffre « 1 »). Le troisième « 1 » qui suit 9 sera remplacé par 111. Le premier « 0 » qui suit 9 sera remplacé par 202 (le plus petit palindrome non utilisé avec « 0 »)…

 

Vous retrouverez ces suites boomerangs et leurs propriétés sur l’Encyclopédie en ligne des suites d’entiers. Voici comment produire la vôtre : il suffit de trouver une règle non triviale qui fasse que le premier chiffre d’un nombre soit remplacé par le nombre lui-même. Le reste de la suite se calculera tout seul, mécaniquement !

Ainsi, la suite U fonctionne car la puissance sixième de 4, soit 4 096, commence par « 4 ». Aucune puissance inférieure ne fonctionne (aucun cube du chiffre k ne commence par k, par exemple). La puissance suivante sera 8, car 28 commence par « 2 » (il s’agit de 256) ; aucune puissance 7 (ou 9) du chiffre k ne commence par k.

 

 

SOURCES

L’Encyclopédie en ligne des suites d’entiers (OEIS). Neil Sloane, https://oeis.org.