Les premiers résultats de Cauchy concernent les polyèdres, dont l'indispensable théorème de rigidité.

Ayant bénéficié d’un accueil très favorable pour son premier mémoire sur les polyèdres (voir article « Premières découvertes »), Cauchy rédige un second mémoire, lu en séance le 20 janvier 1812, dont le théorème central est le suivant : « Deux polyèdres convexes sont égaux lorsqu’ils sont compris sous un même nombre de faces égales chacune à chacune. » On comprend intuitivement que cela force tout polyèdre convexe à être indéformable (en le supposant constitué de barres rigides) : si l’on pouvait modifier les angles entre ses arêtes, on obtiendrait un nouveau polyèdre, qui pourrait demeurer convexe tout en ayant les mêmes faces, ce qui contredirait le théorème.

L’énoncé originel de Cauchy a donné lieu à de nombreuses généralisations par la suite, et continue d’inspirer des recherches. Plusieurs polyèdres non convexes et non rigides ont ainsi été exhibés au XIXe siècle, souvent avec des auto-intersections. Le sujet connaîtra une seconde jeunesse dans la seconde moitié du XXe siècle, d’abord avec la sphère de Connelly et ensuite avec la conjecture du soufflet (voir article « Souffler les polyèdres »).

 

 

Deux corollaires déjà chez Euclide !

Le théorème donné par Cauchy dans son mémoire est en fait plus général qu’un résultat de rigidité, et permet à son auteur d’en déduire deux corollaires importants : « Deux polyèdres convexes, compris sous un même nombre de faces égales et semblablement placées, sont ou superposables ou symétriques, et, dans les deux cas, ils sont nécessairement égaux » et « Lorsque deux polyèdres convexes sont compris sous un même nombre de faces semblables et semblablement placées, le second est semblable au premier ou à un troisième polyèdre symétrique du premier. »

Curieusement, ces deux résultats étaient implicitement connus dans deux définitions données par Euclide dans le livre XI de ses Éléments (définitions 9 et 10), comme Cauchy le remarque lui-même, en signalant poliment que ces résultats y sont « renfermés ». C’est ainsi que, deux mille ans plus tard, les « définitions » sont devenues théorèmes.

 

Des preuves à problèmes

Bien que ses mémoires soient d’une clarté remarquable, Cauchy a eu un peu de mal à convaincre l’académicien Étienne Louis Malus (1775-1812) de la validité de ses démonstrations. Heureusement, Legendre, Carnot et Biot, qui examinèrent son rapport en commission, montrèrent beaucoup d’enthousiasme. Le jeune Cauchy en retira un prestige certain, qui lui ouvrit les portes de la Société philomatique, une sorte de premier pas avant de pouvoir rejoindre l’Académie des sciences.

Sans le savoir, Malus n’avait toutefois pas tout à fait tort. En effet, dans les années 1920, le mathématicien allemand Ernst Steinitz (1871-1928) a identifié (puis corrigé) une erreur dans la démonstration originelle de Cauchy. Cela n’a pas empêché le spécialiste de topologie algébrique Hans Freudenthal (1905-1990), d’avoir considéré que le théorème de rigidité constitue la contribution la plus significative de Cauchy à la géométrie.