Nos lectrices et lecteurs connaissent sans doute la notion de carré magique, arrangement de nombres dans un carré de n cases sur n cases, de telle sorte que la somme des nombres situés sur une même rangée, horizontale ou verticale, ainsi que sur les deux grandes diagonales, soit toujours la même. Lorsqu’un carré n × n est rempli avec les nombres entiers de 1 à n2, le carré magique est dit normal.
Le Lo Shu (littéralement « diagramme de la rivière Lo »), né en Chine plus de six siècles avant notre ère, est le premier carré magique connu. Ce carré normal 3 × 3 est unique, aux rotations et symétries près.
Un des plus anciens traités connus sur les carrés magiques est celui du mathématicien persan Abū l-Wafā al-Buzjanī (940-998), né à Buzjan au Nord de l’Iran actuel : le Livre de l’arrangement magique dans les carrés. On trouve dans ce traité la description détaillée de méthodes de construction de différents types de carrés magiques. Il semblerait que ces méthodes aient été connues avant le Xe siècle, mais Abū l-Wafā a pu en faire l’inventaire, et surtout justifier mathématiquement leur validité.
Nous nous intéressons ici aux carrés magiques d’ordre impair dits à bordures (appelés parfois aussi carrés magiquesà enceintes). Le principe en est le suivant : sur un carré magique d’ordre impair n × n où n ≥ 5, si l’on supprime la bordure, c’est-à-dire l’ensemble des cases du pourtour, le carré restant demeure magique. On notera que ce n’est plus nécessairement un carré normal.
Abū l-Wafā décrit plusieurs méthodes de construction de ces carrés. En voici une facile à mémoriser.
On part du Lo Shu et on ajoute 8 à chacun de ses nombres. Le carré 3 × 3 obtenu contient alors les nombres de 9 à 17. On construit ensuite une bordure autour de ce carré dans laquelle on placera les nombres de 1 à 8 et les nombres de 18 à 25. Les nombres 3, 4, 5 et 6 prennent des places particulières sur la bordure : en deux sommets pour 4 et 6, et dans deux cases médianes pour 3 et 5.
Les nombres impairs restants (1 et 7) vont dans les cases jaunes, et les pairs (2 et 8) dans les cases orange. On complète ensuite la bordure de telle sorte que la somme de deux nombres situés aux extrémités d’une même grande diagonale ou d’une même rangée horizontale ou verticale ne contenant pas de cases des diagonales, soit toujours égale à 26.
1. Pourquoi doit-on obtenir 26 ?
On notera que dans ce carré 5 × 5, le carré intérieur 3 × 3 pourrait subir une rotation ou une symétrie sans que le caractère magique du carré 5 × 5 en soit affecté.
Ajoutons maintenant une seconde bordure autour de ce carré 5 × 5, après avoir ajouté 12 à tous ses nombres (carré gris central). On va compléter la bordure avec les nombres de 1 à 12 et les nombres de 38 à 49. Comme dans l’étape précédente, les nombres 6 et 8, et 5 et 7 vont prendre des places particulières (cases verte, bleue et roses). Les nombres restants, 1, 3, 9, 11, 2, 4, 10 et 12, sont ensuite placés dans les cases jaunes et orange en fonction de leur parité. On complète enfin les cases blanches restantes dans les diagonales, les lignes et colonnes intérieures en plaçant les compléments à 50.
Nous laissons enfin au lecteur le soin de vérifier cette procédure de construction avec le carré 9 × 9 suivant, obtenu au ajoutant une bordure au précédent dont nous avons augmenté les termes de 16 unités.
2. En ajoutant une bordure à un carré magique impair normal n × n, de combien faut-il augmenter les nombres du carré central et quels nombres faudra-t-il ajouter dans la bordure ?