Aussi étonnant que cela puisse paraître, il arrive que les élèves de l’Institut intergalactique lèvent le nez de leur studieux guidon pour regarder ce que l’avenir pourrait leur réserver, une fois qu’ils auront quitté la planète Prépaterra. C’est lors de la survenue d’un tel épisode que le jeune Bêta a réalisé qu’il se verrait bien architecte – bâtisseur de monuments éternels aux cimes chatouillant les cieux.
Un chantier d’envergure s’est fort opportunément lancé à proximité du campus. Son objet : un building de standing de mille mètres de hauteur qui servira à abriter le ministère de l’Instruction intergalactique et tout son personnel administratif. Voyant cela, Bêta demande au proviseur Lambda l’autorisation de visiter les lieux afin de rencontrer l’architecte Tony Desplaques, auquel il voue une admiration sans borne. Le proviseur tire quelques ficelles et la rencontre a finalement lieu, au dernier étage de l’immeuble, qui en est à l’ultime phase de sa construction.
Malgré les responsabilités qui lui incombent, Tony prend le temps d’expliquer à Bêta les grandes phases du projet. Il le laisse même consulter les plans détaillés de la tour pendant qu’il se rend à une réunion.
C’est en comparant les dimensions du rez-de-chaussée et du dernier étage que Bêta se rend compte d’un problème : alors que la tour est censée être absolument régulière, sur une base carrée de 250 m de côté exactement, le dernier niveau auquel il se situe est indiqué comme ayant une surface supérieure à celle de la base : il compte vingt mètres carrés de mieux… Le jeune homme pense d’abord à une erreur, mais avant d’alerter Tony inutilement, et à peu près convaincu qu’un tel chantier ne s’accommoderait pas d’une bourde aussi monumentale, il réfléchit quelques instants… et finit par pousser un soupir de soulagement.
Et vous, cher lecteur, voyez-vous la raison de cette différence de surface entre le premier niveau et le dernier ? Que pouvez-vous en déduire sur Prépaterra ?
Une découpe très géométrique
Lorsque Tony rejoint Bêta à l’issue de sa réunion, il semble ennuyé. « Il ne nous restait plus qu’à poser sur le toit un dernier ornement, une série de sphères en cuivre pleines d’un mètre de diamètre chacune. Mais le ministre a finalement eu peur que des esprits chagrins y voient une évocation trop explicite des “hautes sphères du pouvoir”… Ce qui nuirait à son opération de communication fondée sur la proximité et l’humilité. Nous allons donc devoir remplacer les sphères par des cylindres moins polémiques. Pour gagner du temps et ne pas avoir à refondre les sphères déjà préparées, j’ai proposé d’y découper directement les cylindres. Le commanditaire est d’accord, à condition que les cylindres ainsi obtenus soient les plus volumineux possibles.
‒ Un peu d’humilité mais pas trop, sourit Bêta.
‒ Voilà, s’esclaffe Tony. D’ailleurs, pourrais-tu me trouver la hauteur du plus grand cylindre découpable dans une sphère ? Nous pourrons ensuite programmer la découpeuse et tu la verras à l’œuvre. »
Non sans surprise, Bêta réalise que répondre à cette question très pratique est tout à fait dans ses cordes.
Et dans les vôtres, cher lecteur ?