Il arrive parfois – au grand dam du professeur Phi, et bien trop souvent selon lui – que les élèves de l’Institut intergalactique aient droit à une période de repos, loin des cours, des examens et du rituel immuable des copies rendues dans l’ordre décroissant des notes. Appréciées par la grande majorité des étudiants, ces plages de temps libre nommées « vacances » sont l’occasion pour eux d’éviter, en particulier, toute activité nécessitant l’usage de mathématiques.
C’est avec cet objectif en tête qu’Alpha, Bêta et Epsilon se sont rendus sur la planète Vamossa-Laplaï A, afin de profiter d’un séjour en un lieu richement équipé d’étendues de sable fin, de vagues déferlantes et de palmiers, tout en étant dépourvu de toute occasion prévisible d’avoir à calculer quoi que ce soit.
Alors que les trois amis prennent le soleil allongés sur leurs serviettes, une ombre tentaculaire se déploie soudain au-dessus d’eux.
« Chichis, chouchous, boissons qui furent fraîches et jeux de hasard, tous très équilibrés ! » lance le poulpe luminescent à la tête surmontée d’une casquette crasseuse ornée du nom de son propriétaire – Dédé l’Effronté.
Bêta jette un œil sur le contenu de la caissette glissée autour du cou de l’octopode et arbore une mine peu convaincue.
« Pas sûr que les normes d’hygiène de Vamossa-Laplaï A soient compatibles avec la sensibilité de nos organismes, commente-t-il. Et comme jeu de hasard, vous proposez quoi ? »
Un éclat illumine brièvement l’œil du poulpe. Il soulève sa casquette et se saisit de quatre dés aux configurations originales qu’il exhibe au bout de ses tentacules.
« Toi contre moi, glougloute-t-il à l’attention de Bêta. Chacun choisit un dé. On les lance cinq fois, ensemble. Celui qui a fait le plus souvent le meilleur score par rapport à l’autre gagne. Beignet offert si tu es vainqueur. Tu donnes ta serviette si tu perds. Dédé est sympa : tu commences, tu prends un dé, tu as le choix. »
Bêta observe les cubes colorés avec un air suspicieux. « Hmm… J’ai l’impression que ces dés ne donnent pas tous la même chance de gagner. En divisant la somme des faces de chaque dé par 6, j’obtiens 2,66 pour le rouge, 3 pour le vert, 3,33 pour le bleu et 3 pour le jaune. Je choisis donc le bleu, qui doit booster mes chances. »
Mais Alpha attrape la main de son camarade avant que celui-ci n’ait pu se saisir du dé. « Attends ! Je pense que ta technique pour classer les dés entre eux ne marche pas. Si je compare le dé bleu au dé vert, le vert gagne dans vingt-quatre cas sur les trente-six possibles et le bleu dans seulement douze cas. Le dé bleu n’a donc qu’une chance sur trois de gagner contre le dé vert, qui est plus fort. Et si on regarde les autres dés… Le bleu gagne sur le jaune deux fois sur trois et le rouge bat le vert dans deux cas sur trois. C’est donc le rouge le plus fort et c’est lui qu’il faut choisir ! »
Cette fois, c’est à Epsilon de saisir la main de son ami : « Moi, affirme-t-elle, je ne jouerai à ce jeu avec Dédé que si c’est lui qui choisit son dé en premier. Cela dit, ajoute-t-elle avec une grimace, je ne suis pas certaine de vouloir un de ces beignets, même s’il était gratuit… »
Cher Lecteur, sauriez-vous expliquer la remarque d’Epsilon ?