Le concours annuel « La meilleure illusion de l’année », soutenu par la revue Scientific American et organisé par la société Neural Correlate (New York, États-Unis), prime les meilleures illusions d’optique créées durant l’année par des chercheurs, des scientifiques ou des artistes. En 2017, un collaborateur de Tangente a obtenu le troisième prix, avec la présentation Dynamic Müller-Lyer Illusion.
Des segments qui s’allongent
La ligne droite est le parcours le plus court entre deux points virtuels (voir la Droite, Bibliothèque Tangente 59). Cependant, le contexte exerce un rôle clé dans l’interprétation visuelle de la longueur d’un morceau de droite. Le segment peut ainsi apparaître plus long s’il est « enfermé » entre deux chevrons dont les pointes sont dirigées vers l’extérieur. Il peut apparaître plus court s’il est « enfermé » entre deux chevrons dont les pointes sont dirigées vers l’intérieur.
Cette illusion fut publiée en 1889 par le psychologue allemand Franz Carl Müller-Lyer (1857–1916) pour démontrer, justement, la dépendance d’une longueur perçue par des extensions aux extrémités. Prenons maintenant une version adaptée par Franz Clemens Brentano, un autre psychologue allemand de la même époque.
Qu’arrive-t-il si l’on ajoute du mouvement à l’illusion, c’est-à-dire si l’on ouvre ou ferme alternativement les chevrons plus ou moins, de 45° à 135°, et vice-versa ? Le petit point rouge central est équidistant des deux autres points rouges, pourtant les extrémités de la ligne sembleront, tour à tour, s’allonger et se raccourcir, comme un élastique !
Vous pouvez expérimenter sur vous-même ou sur vos amis la puissance de cette illusion. Le défi est le suivant : dessiner un trait de la longueur du schéma ci-dessous, connu come figure de Judd. Essayer alors de diviser ce segment en deux parties parfaitement égales. Dans quatre-vingt-dix pour cent des cas, vous n’y arriverez pas…
L’illusion de Müller-Lyer persiste même avec des lignes courbes, dont les deux arcs sont tout-à-fait congruents, ou encore lorsque les chevrons ne sont dessinés qu’à moitié.
Encore plus surprenant : l’illusion n’est pas seulement linéaire, elle implique également la géométrie plane ! Dans la figure ci-dessus (à gauche), les extrémités des segments colinéaires bleus et rouges, disposés radialement autour d’un point central, délimitent deux cercles parfaitement concentriques. Toutefois, pour la majeure partie des observateurs, ces derniers semblent délimiter un grand ovoïde qui circonscrit un autre ovoïde, légèrement excentré (à droite). Ceci provient du fait que les segments rouges semblent s’allonger vers la partie inférieure de la figure, alors que les segments bleus paraissent s’allonger vers la partie supérieure.
Le mécanisme présumé de l’illusion de Müller-Lyer reste encore ouvert à la discussion. Mais, grâce à sa version dynamique, on peut comprendre que l’effet est dû plus à un phénomène physiologique qu’à un préconcept psychologique. Beaucoup d’illusions géométriques impliquent des lignes en forme de V.
Il est possible de voir des effets similaires dans les tissus (illusion de Zöllner), dans l’illusion lunaire (la lune apparaît plus grande à l’horizon en conséquence de l’illusion de Ponzo), dans la distribution d’une ligne dans un espace clos (parallélogramme de Sander)… Un effet illusoire similaire s’applique aussi à la perception du temps : le temps plein d’activités (ligne compacte avec les chevrons qui pointent vers l’extérieur) semble plus bref par rapport au temps vide, quand on n’a rien à faire (ligne ouverte avec les chevrons qui pointent vers l’intérieur).
SOURCES
- Visitez le site de l'auteur, giannisarcone.com/Muller_lyer_illusion.html
ou celui du Scientific American, goo.gl/D6c6zu .
- Illusioni Ottiche Geometriche. Giovanni Bruno Vicario, Lettere e Arti, 2009.