Qui peut ignorer que se glissent en cours de maths, de façon plus ou moins flagrante, expressions ou formulations dites « abus de langage » ? Tolérés nous dit-on, voire revendiqués comme tels, pour toutes sortes d’excellentes raisons. Mais qui s’est alors avisé que l’existence de ces abus sous-entendait celle d’un « langage », qui, si non abusé, pourrait être cette merveille rêvée d’une langue « mathématiquement pure » ?
C’est bien lentement que symboles et formules émergèrent au sein d’écritures d’abord purement rhétoriques. Mais si on ne sait pas qui, en premier, les voyant envahir et coloniser la matière pensa qu’à eux seuls ils pourraient suffire à produire et inventer objets et théorèmes, on sait aujourd’hui qu’au rêve « formaliste » d’une mathématique qui ne serait qu’écriture, débarrassée de toute langue impure parce que relâchée ou ambiguë, il fut mis un terme au siècle dernier. Il suffit de s’en remettre à Bourbaki qui dans ses Éléments de mathématique affirme que, en pareille occurrence, « une estimation grossière » montre que par exemple le terme désigné par « 1 » nécessiterait « un assemblage de plusieurs dizaines de milliers de signes (chacun […] étant l’un des signes, τ, ⎕, ∨, ¬, =, ∈) ». ...
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