C'est un paradoxe : l'analyse factorielle des correspondances a été créée par Jean-Paul Benzécri, un mathématicien qui voulait lutter pour des raisons philosophiques contre la pratique des sciences humaines, qu'il jugeait dans les années 1970 pervertie par des options politiques de gauche. Or, le propagateur le plus efficace de cette méthode a été Pierre Bourdieu, qui politiquement se trouvait aux antipodes du mathématicien. Benzécri en effet a construit sa méthode afin de pouvoir examiner des données sans a priori, en substituant au sens commun (et aux orientations politiques des chercheurs) des facteurs définis statistiquement et qui s'imposent par leur neutralité et leur force d'exposition.
Une telle méthode avait de quoi séduire les institutions de recherche qui, comme l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), avaient vocation à produire des analyses des données officielles qui soient neutres du point de vue politique. Un certain nombre d'élèves de Benzécri importeront sa méthode à l'Insee et en deviendront les propagateurs. L'un d'eux, Alain Darbel, qui avait connu Pierre Bourdieu en Algérie, travailla avec lui pour une enquête sur l'art et les musées et lui fit découvrir l'intérêt de la méthode. Dans ses livres et dans la revue qu'il a créée (Les Actes de la ...
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