L’Épître d’un mathématicien à un poëte est l’œuvre poétique principale de Cauchy. Lue lors d’une séance publique des cinq Académies, sa qualité littéraire honorable désarçonna, selon l’éloge publié par Joseph Bertrand en 1898, tous ceux qui espéraient savourer la joie mauvaise de voir un grand mathématicien sombrer dans le ridicule.
Éternelles questions
Bien des mathématiciens peuvent reconnaître dans les vers de Cauchy des considérations qui leur sont familières. Ainsi de l’éternelle question sur l’utilité des mathématiques :
Tu me crois obsédé par un mauvais génie,
Alcippe, tu te plains de l’étrange manie
Qui fait qu’en ma maison devenu prisonnier,
D’un flot d’x et d’y grecs je couvre mon papier.
Laisse-là, me dis-tu, l’Algèbre et ses formules,
Laisse-là ton compas, laisse-là tes modules ;
C’est un emploi bien triste et des nuits et des jours
Que d’intégrer sans fin et de chiffrer toujours.
Apprendrons-nous du moins à quoi servent tes veilles,
Ce qu’elles produiront d’étonnantes merveilles,
Et si de tes calculs le magique pouvoir
Doit calmer au matin les tristesses du soir ?
Prolongeant cette critique commune, Cauchy fait alors faire à son poète l’éloge des questions purement appliquées :
Vois ce vieux financier, sans cesse à son comptoir.
Il revient supputer son doit et son avoir.
D’enchérir sur Euclide il n’a point la folie ;
Il ajoute, soustrait, divise ou multiplie,
Et, de Barème seul ...
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