Commentaire du Traité Du ciel d’Aristote
Thomas D'Aquin
Présentation
DescriptifLe Commentaire du Traité Du ciel d’Aristote rédigé par Thomas d’Aquin aux alentours de 1272-1273 est une énigme. Pourquoi le théologien, qui est alors au faîte de sa carrière, entreprend‑il le commentaire littéral d’un texte sur la nature qui, manifestement, n’était pas destiné aux étudiants en théologie ?
Avait-il, comme Albert le Grand, le projet de « rendre Aristote intelligible aux Latins » ?
Cherchait-il à préciser ce qu’on peut appeler à la suite de Wilfrid Sellars « l’image manifeste de l’homme-dans-le-monde » ?
Ou était‑il en train d’accorder la vision aristotélicienne d’un Univers clos et éternel avec le Ciel de la Foi chrétienne ?
Dans cet ouvrage, où il est question d’explorer conceptuellement l’Univers corporel à partir de la lettre d’Aristote, Thomas livre un témoignage très singulier de son propre style de pensée.
À ce titre, le texte présente un intérêt à la fois historique et philosophique. Parce qu’il aborde la question de la nature et la place des mathématiques dans son traitement, ce commentaire thomasien est aussi une source d’information intéressante pour l’histoire des sciences.
La présente traduction fait le choix de la précision, laissant ainsi au texte thomasien le style caractéristique d’un commentaire à haute voix écrit sous la dictée.
Note de lecture Tangente
Les mathématiques pour déchiffrer l’Univers
Dès 1210, l’enseignement des ouvrages d’Aristote relatifs à la philosophie de la nature est interdit sous peine d’excommunication. Ce sera le cas tout au long du siècle : en 1270, Thomas d’Aquin, qui est alors à Paris, voit de près une nouvelle condamnation qui le pousse à travailler le sujet qui relie physique, métaphysique et religion. Dans ses réflexions épistémologiques, il se demande notamment s’il est légitime d’utiliser des conceptions et méthodes mathématiques dans la philosophie naturelle (c’est-à-dire la physique). Après tout, ce sont deux champs tout à fait séparés. Pourtant, conclut-il, on peut établir des passerelles valides (à condition d’être rigoureux) au point qu’ « il n’est pas incorrect d’utiliser en physique des principes mathématiques dans les démonstrations. En effet, elle n’est pas absolument d’un autre genre, mais elle est, en quelque sorte, contenue sous le genre des mathématiques. »
Pour Thomas, la physique est à la géométrie ce que la géométrie est à l’arithmétique. Il conçoit ainsi une nature écrite en langage mathématique avec ses formes géométriques les plus simples : des droites et des cercles. Idée qui annonce Galilée, lui aussi commentateur du Traité du ciel. D’ailleurs, Thomas critique la cosmologie de Ptolémée avec une petite pique : ce n’est pas parce que le modèle semble cohérent dans les calculs qu’il est nécessairement vrai.