En 1906, le philosophe Alain, de son vrai nom Émile Chartier, met au point la forme littéraire qu’il affectionnera jusqu’à la fin de sa vie : il donnera plus de trois mille brefs billets très incisifs à La Dépêche de Rouen et de Normandie.
Les cinquante propos sur l’école rassemblés dans cet opuscule distribué par l’Institut Alain n’ont pas vieilli : l’institution scolaire défaille déjà par un enseignement positiviste juste assez ambitieux pour formater les esprits, puis par la tentation du réformisme, enfin par la novation pédagogique permanente.
Alain croque sans égard et avec malice tous les acteurs de l’institution scolaire : instituteurs, professeurs, universitaires, pédagogues, vrais jésuites et faux laïcs. Ce qui frappe, c’est sa tendresse pour l’élève, l’enfant à l’école, l’adolescence subissant la grisaille du collège, le bachelier voué à prendre le gris des murs ou à désespérer, le licencié, chevalier de l’esprit perdu dans un monde sans esprit.
Il dénonce les corporatistes, les conservatismes, la fossilisation des savoirs, la perversion du jugement chez les enseignants et les bureaucrates, la sotte suffisance des pédagogues, sans oublier la résignation des enseignants à complaire à leurs chefs plutôt que d’enseigner selon leurs convictions.
L’instituteur et le sorbonagre.
50 propos sur l’école de la République.
Alain, présenté par Emmanuel Blondel,
Mille et Une Nuits, 136 pages, 2011, 3,90 euros.