Tourné vers les autres, prodigieusement talentueux, d’une discrétion sans pareille, Bernard Novelli a consacré sa vie à donner ses lettres de noblesse au jeu mathématique.
Bernard Novelli dans les locaux de Tangente en compagnie de deux autres grands créateurs de jeux, Bernard Myers et Pierre Berloquin (de gauche à droite).
Bernard Novelli est né le 11 octobre 1942.
Agrégé de mathématiques à 20 ans, il est
rapidement nommé professeur de classes
préparatoires aux grandes écoles, et fera l’essentiel
de sa carrière au lycée Janson-de-Sailly, à
Paris. Mais le côté le plus marquant de son engagement
est le désir de faire partager à tous les
jeunes, et pas seulement ses élèves, son goût pour
les mathématiques. Il choisit pour cela de combiner
sa passion de la pédagogie et celle du jeu.
C'était son métier mais aussi sa raison de vivre.
Très jeune, il participa à des expériences pédagogiques
innovantes, dans des classes du secondaire
(beaucoup d'agrégés se refuseraient à
« s'abaisser » à enseigner en sixième), ou dans des
comités proposant des enseignements alternatifs.
Il n’hésita pas à animer durant plus de quinze ans
des ateliers ludiques pour aider les jeunes, dès le
collége, à découvrir la richesse du raisonnement.
Il créa aussi très tôt des jeux de réflexion, aujourd'hui
introuvables, tout cela dans un même but :
offrir au plus grand nombre, souvent des enfants,
par un côté ludique, l'accès à l'apprentissage, à la
connaissance et au plaisir de trouver par soimême.
Il continua plus tard à participer à d’autres animations,
imaginant même le « Combilogique », cette
compétition du salon des jeux mathématiques
autour des jeux logiques.
Après l’animation, la deuxième étape sera l’écrit.
Un modèle est celui du livre Double Détente, déjà
aux Éditions POLE, ce recueil de problèmes où le
premier énoncé, facile, sert d’hameçon, et où le
second exprime, à un niveau plus coriace, la
richesse du sujet en l'approfondissant ou en l’appliquant
à des situations inédites.
D’autres livres suivront, le plus souvent consacrés
aux jeux de grilles (voir l’encadré WPC), dont il a
su élever la résolution au rang d’un art, parmi lesquels
une remarquable étude du Sudoku.
L’héritage écrit de Bernard Novelli, ce sont également
les numéros (26 numéros « papier » et
15 numériques) de Tangente-Jeux, puis de
Tangente-Jeux & Stratégie, dont il fut le rédacteur
en chef historique.
Le troisième volet de l’oeuvre de Bernard Novelli
fut numérique. Dès que les premiers micro-ordinateurs
et leurs systèmes d'exploitation firent leur
apparition, il s'y intéressa, apprit à les utiliser au
mieux et développa très rapidement des jeux de
réflexion.
Il était d’ailleurs titulaire d'un DEA
d'informatique. Dans le cadre des Éditions POLE,
il conçut la gamme Logissimo, dont trois CDRoms, Cosmos Logique, Zoo Logique et Extra
Logique, sont commercialisés. La découverte en
l'an 2000 du World Puzzle Championship (WPC)
fut à l'origine d'un changement de catégorie.
Délaissant quelque peu les jeux de réflexion dans
le style précédent, il programma de nouveaux
jeux originaux que les lecteurs de Tangente peuvent
découvrir sur le site que notre magazine
ouvre en souvenir de lui.
Puissent d'autres prendre
la relève pour que cette créativité ne manque pas
à tous les amateurs de jeux intelligents.
Le portrait serait incomplet sans une évocation
de sa personnalité. Sensible, ouvert vers les
autres, et d’une grande discrétion, il ne se mettait
jamais en avant, gardant une retenue et une
pudeur peu communes. Outre le jeu dont on ne
dira jamais assez le talent qu’il possédait, il
aimait beaucoup la musique (il jouait du piano)
et s’exprimait en construisant, en particulier
dans sa maison de vacances, de nombreux objets,
qu’ils soient utilitaires, ludiques ou insolites.
Il
utilisait en particulier régulierement son tour à
bois ou sa scie pour créer des casse-tête en bois
de toutes tailles, de toutes couleurs et de toutes
formes, du cube découpé en pyramides à des
Tangram 2D et 3D ou des pièces d'échecs.
Les
participants au rallye mathématique de Paris se
souviennent encore du casse-tête géant en
trois dimensions trônant dans la vitrine de
l’Espace Tangente, et dont il fallait découvrir, à
sa seule vue, les couleurs qui composaient ses
étages !
G.C.